Dans le premier volet, nous avons discuté de quelle manière les changements liés au vieillissement qui surviennent dans les capacités auditives et cognitives (comme la mémoire) se combinent quand les personnes âgées tiennent une conversation. L’oreille et les connexions entre l’oreille et le cerveau sont particulièrement importantes pour la compréhension de la parole dans les situations bruyantes de la vie de tous les jours. Les problèmes auditifs des personnes âgées font que leur cerveau a du mal à traiter l’information quand elles ont des conversations. Miser sur les connaissances accumulées au cours de leur vie constitue un atout pour les auditeurs âgés, le cerveau facilite aussi la discussion d’un sujet familier. Tirer avantage des connaissances pour comprendre une conversation survient même quand les oreilles n’entendent pas précisément tous les sons des paroles de l’interlocuteur. Les personnes âgées activent leur cerveau différemment des jeunes adultes quand elles essaient de suivre une conversation dans le quotidien.
À long terme, les personnes âgées qui développent une perte auditive significative sur le plan clinique peuvent aussi développer des changements dans la manière dont elles utilisent leur cerveau pour écouter dans la vie de tous les jours. De tels changements permanents dans la configuration de l’activation cérébrale pourraient même être reliés à un déclin cognitif significatif sur le plan clinique (comme un déclin de la mémoire). La perte auditive peut signaler aux personnes âgées que leur état de santé global change. Des études épidémiologiques ont trouvé une association entre la perte auditive et l’apparition d’une démence future (1-7). D’autres études épidémiologiques suggèrent aussi qu’il y a une association entre la perte auditive et d’autres problèmes de santé graves couvrant la santé mentale (8), la santé physique (9,10), les chutes (11) et même la mort (12-14). Bien que les raisons qui sous-tendent ces associations soient toujours inconnues et que les résultats ne montrent pas que la perte auditive entraîne la démence, il semble que les gens qui ont des problèmes auditifs devraient être encore plus conscients des choses à faire pour rester en santé.
Dans le deuxième volet, nous couvrons les recherches qui suggèrent que les gens avec des problèmes auditifs sont exposés à un risque élevé de développer une démence.
Dans quelle mesure les déclins auditifs et cognitifs significatifs sur un plan clinique sont-ils courants ?
Les problèmes d’audition et de cognition significatifs sur le plan clinique augmentent avec l’âge.
Au cours de la quarantaine, les gens commencent à éprouver plus de difficulté à entendre dans un milieu bruyant, même si l’écoute en situation de calme est encore facile. La façon la plus répandue de définir la perte auditive est de mesurer les seuils d’audition (volet 3). À mesure qu’on vieillit, la perte auditive augmente graduellement et elle figure parmi les trois incapacités chroniques les plus courantes chez les personnes âgées (15). Dès 60 ans, le tiers des gens souffrent d’une perte auditive significative sur le plan clinique, à 75 ans environ la moitié sont affectés, et 80 ans la plupart le sont (16).
À mesure que les gens vieillissent, un nombre croissant d’entre eux développent aussi un déclin cognitif significatif sur le plan clinique. Ce déclin comprend le trouble cognitif léger ou divers types de démence dont la maladie d’Alzheimer est la plus répandue. Dans la démence, les changements qui se manifestent dans le cerveau vont bien au-delà des changements normaux qui apparaissent avec le vieillissement. À partir de l’âge de 70 ans, environ le cinquième des gens manifesteront un déclin cognitif significatif sur le plan clinique (par exemple, un déclin de la mémoire) en raison de changements anormaux dans le cerveau (17).
La perte auditive est-elle liée à la démence ?
Un nombre croissant de recherches épidémiologiques suggèrent que la perte auditive est plus répandue chez les personnes âgées atteintes de démence que chez celles qui ont une cognition normale. Ces recherches montrent aussi que les personnes qui ont une perte auditive sont plus susceptibles de développer un déclin cognitif par rapport aux personnes qui ont une bonne audition (4,5, 18-20). En fait, certaines études ont trouvé que les personnes qui ont une perte auditive ont un risque de 2 à 5 fois plus élevé de développer une démence (21). De plus, pour chaque 10 décibels d’audition perdus, le risque pour une personne de développer une démence augmente de 20 % (1).
Dans le premier volet, nous avons discuté comment les difficultés d’audition peuvent réduire les résultats des tests cognitifs, comme les tests de mémoire. Les gens qui ont une perte auditive réussissent-ils moins bien les tests cognitifs tout simplement parce qu’ils n’entendent pas bien durant le test ? Un grand nombre de tests utilisés pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer exigent l’écoute de directives. De la même manière, certains éléments des tests utilisés pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer demandent de se souvenir de mots et de phrases entendus. Il se peut que les déficits qu’on observe dans les tests cognitifs des personnes qui ont des problèmes d’audition soient exagérés. Le professionnel de la santé qui administre le test cognitif et la personne testée doivent se rendre compte qu’on peut expliquer en partie les résultats du test par une difficulté à entendre. Si vous croyez que vous pourriez avoir une certaine perte auditive, ce serait une bonne idée de faire tester votre audition avant de subir un test cognitif. Si vous savez que vous avez une perte auditive, il est important d’en informer le médecin ou le professionnel de la santé qui évaluera vos capacités cognitives. Vous devriez aussi leur laisser savoir si la pièce où se déroule le test est trop bruyante pour vous ou si vous devez utiliser une prothèse auditive ou une autre technologie pour vous assurer que vous entendez aussi bien que possible durant le test. N’oubliez pas de porter vos lunettes, vous verrez mieux ainsi ! Bien voir vous aidera durant le test avec les images ou les textes et regarder le visage de la personne qui vous fait passer le test facilitera votre compréhension de ce qu’elle vous dit.
Les problèmes d’audition ne sont cependant pas la raison de tous les problèmes cognitifs (de mémoire). La recherche dont nous discutons dans le présent volet indique que la perte auditive est associée à un déclin cognitif. Cette association survient même pour les tests cognitifs qui ne font pas appel aux capacités auditives de la personne testée (par exemple, quand on teste la mémoire d’éléments visuels).
Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour découvrir les raisons de ce lien entre la perte auditive et la perte cognitive (22). Des données préliminaires suggèrent que la réadaptation auditive (comme le port d’une prothèse auditive ou une thérapie) pourrait contribuer à la bonne santé cognitive (23). Toutefois, les études solides pour tester le lien entre l’amélioration de l’audition et celle de la cognition commencent tout juste. Nous ne savons pas encore si on peut faire quelque chose au sujet de la perte auditive qui préviendrait ou minimiserait les changements cognitifs. Entretemps, il semble que ce se soit une bonne idée faire tester son audition et d’obtenir de l’aide pour les problèmes d’audition aussitôt que possible.
La perte d’audition a-t-elle d’autres effets sur la santé ?
La perte auditive peut avoir des effets diversifiés sur la santé physique, mentale et sociale. À mesure que la perte auditive évolue, les gens finissent éventuellement par éviter les situations où ils ont de la difficulté à entendre en restant à la maison et en sortant moins souvent. Fait intéressant, des résultats prometteurs proviennent de recherche portant sur des facteurs liés au style de vie qui pourraient accroître les ressources (ou « réserves ») cognitives (24). Ces bénéfices semblent découler d’une intensification des activités physiques, mentales et sociales comme de participer à des loisirs sociaux (25), de pratiquer régulièrement l’exercice physique ou de bien manger (26), de développer des habiletés cognitives spécialisées ou une expertise comme de parler une langue seconde (27), ou de jouer d’un instrument de musique (28). Une des explications pour la connexion entre la perte auditive et le déclin cognitif précoce ou accéléré serait que les gens avec une perte auditive seraient moins actifs. Ainsi, il sera important pour les chercheurs d’en apprendre d’avantage sur la manière dont la réadaptation auditive pourrait aider les personnes âgées à rester actives et en santé. Les gens attendent souvent 10 ans ou plus après avoir remarqué des problèmes auditifs avant de consulter un professionnel de la santé. Il serait judicieux d’obtenir de l’aide pour les problèmes auditifs au plus tôt. C’est-à-dire qu’il faut consulter pour les problèmes auditifs avant de cesser d’être actif et que cela affecte la qualité de vie (29).
Dans ce billet de blogue en quatre volets, nous couvrons divers aspects de la perte auditive :
- Dans le volet 1, nous discutons comment les changements qui surviennent dans l’audition et la cognition (par exemple, la mémoire) affectent la communication et les interactions sociales des personnes âgées en santé ;
- Dans le volet 2, comment une déficience auditive peut être liée à un trouble cognitif et à la démence ;
- Dans le volet 3, ce que les tests d’audition peuvent et ne peuvent pas nous apprendre au sujet des problèmes d’audition ; et
- Dans le volet 4, quand devez-vous faire évaluer votre audition et quelles solutions peuvent vous aider si vous ou vos proches avez des problèmes.