Au Canada, la pandémie de COVID-19 a touché davantage les personnes dans les établissements de soins de longue durée. Cela a été dû, en partie, au fait que les résidents sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé graves qui menacent leur vie et qui sont causés par la COVID-19. Des problèmes de longue date non résolus (par exemple, des problèmes d’effectifs et des bâtiments désuets) dans des établissements de soins de longue durée ont également aggravé la situation.(1; 2)
Cela a conduit à la formulation de plusieurs recommandations pour renforcer le secteur.(1; 3; 4) On a déterminé qu’une solution possible, pour aider à résoudre certains des principaux problèmes en matière de soins de longue durée et pour améliorer la santé et le bien-être des résidents, consiste à recourir davantage à la technologie. La technologie peut avoir divers avantages. Voici quelques exemples :
- aider les résidents qui se déplacent dans l’établissement (par exemple, avec les capteurs de porte);
- favoriser les interactions sociales entre les résidents (par exemple, en offrant des programmes en ligne qui facilitent les contacts sociaux);
- faciliter les visites virtuelles avec les prestataires de soins, les aidants, les familles et les amis (par exemple, au moyen d’appels vidéo);
- faciliter la communication entre les établissements et entre les divers prestataires de soins (par exemple, au moyen de systèmes de dossiers de santé électroniques);
- aider à surveiller la sécurité des résidents (par exemple, au moyen de systèmes GPS pour localiser des résidents en errance, d’appareils de surveillance de la santé, de dispositifs d’intervention d’urgence et de dispositifs visant à surveiller d’autres appareils);
- offrir du matériel sans contact et des dispositifs à commande vocale (par exemple, demander à « Google » ou à « Alexa » d’appeler l’infirmière ou le personnel de réception et activer des fonctions dans des pièces, comme l’éclairage, les stores, le chauffage, la ventilation et la climatisation, ainsi que les appareils de divertissement);
- recourir à l’intelligence artificielle (par exemple, pour aider à la détection précoce d’une maladie, à l’établissement d’un diagnostic plus précis et de traitements personnalisés ou pour assurer en permanence la détection de changements comportementaux et d’activité en vue du dépistage précoce de problèmes de santé).(1; 5; 6).
La figure 1 ci-dessous décrit certaines technologies qui pourraient être utilisées dans les établissements de soins de longue durée.
Figure 1 : Types de technologies dans les établissements (7)
Alors que les gouvernements s'efforcent de répondre à bon nombre des préoccupations qui ont retenu l'attention pendant la pandémie de COVID-19, il existe une occasion unique d'examiner le potentiel de la technologie pour renforcer les établissements de soins de longue durée. Ce billet de blogue est le premier d'une série qui examine les données probantes et les expériences liées au rôle de la technologie dans les établissements de soins de longue durée au Canada.
Le problème : Pourquoi est-il difficile d’exploiter le potentiel des technologies?
Plusieurs facteurs rendent difficiles d’exploiter le potentiel des technologies dans des établissements de soins de longue durée, notamment :
- les besoins de santé et sociaux des résidents sont complexes;
- de nombreux problèmes de longue date existent dans le secteur des soins de longue durée dans l’ensemble du Canada; et
- le plein potentiel de la technologie n’est pas exploité pour résoudre ces problèmes et pour améliorer la qualité de vie des résidents, des aidants et des familles.
Les besoins de santé et sociaux des résidents sont complexes
On estime que 1,2 % des personnes âgées au Canada vivent dans des établissements de soins de longue durée.(8) Les besoins en matière de santé physique et mentale des résidents dans les établissements de soins de longue durée sont très variés et complexes. Un nombre croissant de résidents souffrent de troubles cognitifs. Par exemple, ils éprouvent des difficultés liées à la mémoire, à l’apprentissage de nouvelles choses, à la concentration ou à la prise de décisions qui ont une incidence sur leur vie quotidienne. Un grand nombre d’entre eux souffrent aussi de plusieurs maladies chroniques.
Un profil des résidents ayant eu accès à des services de soins de longue durée en 2019-2020 en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Yukon a été publié récemment.(9) Le rapport a révélé les faits suivants :
- l’âge moyen des résidents recevant des soins de longue durée est de 83 ans;
- près de 6,7 % des résidents ont moins de 65 ans;
- 65,2 % des résidents sont des femmes;
- les maladies les plus couramment diagnostiquées sont les suivantes :
- les problèmes neurologiques (par exemple, la démence et d’autres problèmes causés par des accidents vasculaires cérébraux),
- les maladies cardiaques et circulatoires (par exemple, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et l’insuffisance cardiaque congestive),
- les maladies musculo-squelettiques (par exemple, l’arthrite et l’ostéoporose);
- 48,5 % des résidents souffrent d’un trouble cognitif léger ou modéré et 32,7 % des résidents sont atteints d’une déficience cognitive grave;
- 43,9 % des résidents ont une capacité fonctionnelle réduite (qui se traduit par leur capacité à accomplir des tâches de la vie quotidienne, comme utiliser le téléphone, s’habiller, gérer sa prise de médicaments ou gérer ses finances);
- 82,8 % sont dépendants ou ont besoin d’une assistance complète au moment d’accomplir des tâches de la vie quotidienne (par exemple, hygiène personnelle, déplacements et alimentation);
- 52,8 % des résidents sont susceptibles de présenter des symptômes ou troubles dépressifs.
Le dernier point souligne l’importance des besoins sociaux, émotionnels, culturels et spirituels des résidents dans les établissements de soins de longue durée. Les besoins en matière de santé des résidents sont souvent étroitement liés aux besoins sociaux. Des besoins sociaux non comblés exposent les résidents à un risque accru de mauvais résultats en matière de santé (10; 11). Ces résidents peuvent :
- manquer de soutien social;
- être seuls;
- se retrouver isolés géographiquement de leur famille et de leurs aidants;
- être sans ressources financières;
- avoir un accès limité à des services qui tiennent compte de leur genre, de leur langue, de leur culture ou de leur spiritualité; et
- avoir une identité marginalisée qui les expose à un risque accru de discrimination et d’exclusion.(12)
Répondre au large éventail de besoins de santé et sociaux des résidents est difficile. Toutefois, cela doit être pris en compte lorsque l’on réfléchit au potentiel des technologies dans les établissements de soins de longue durée.
De nombreux problèmes de longue date existent dans le secteur des soins de longue durée dans l’ensemble du Canada
De nombreux problèmes de longue date existent dans le secteur des soins de longue durée dans l’ensemble du Canada. Il s’agit, entre autres, des problèmes suivants :
- un manque de coordination dans l’ensemble du secteur des soins de longue durée;
- une collecte et une utilisation limitées des données pour apporter des améliorations;
- une formation, satisfaction et rétention limitées du personnel;
- des limites en matière de conception et de capacité des établissements de soins de longue durée.
La pandémie de COVID-19 a aggravé ces problèmes, ce qui a eu des conséquences dramatiques. Un rapport fédéral indiquait que 82 % de tous les décès liés à la COVID-19 au Canada étaient associés à des établissements de soins de longue durée.(1)
Cela est attribuable, en partie, aux faits suivants :
- les résidents d’établissements de soins de longue durée sont exposés à un risque plus élevé de contracter la COVID-19, étant donné qu’ils vivent à proximité les uns des autres;
- l’exposition au personnel qui pourrait être infecté par la COVID-19 (qui est aggravée par des problèmes d’effectifs);
- la plupart des résidents sont fragiles ou atteints de plusieurs maladies complexes.(13)
Le plein potentiel de la technologie n’est pas exploité pour résoudre ces problèmes et pour améliorer la qualité de vie des résidents, des aidants et des familles
La technologie peut jouer un rôle important dans la modernisation du secteur des soins de longue durée de telle manière qu’elle contribue à des soins axés sur la personne.(14)
Cependant, l’adoption de technologies dans les établissements de soins de longue durée est plus lente que dans d’autres secteurs.(13) Cela est en partie attribuable à la lenteur des approbations réglementaires qui s’imposent pour l’utilisation de nouvelles technologies.
Voici d’autres obstacles possibles :
- l’opinion selon laquelle les personnes âgées ne sont pas capables de s’informer sur les nouvelles technologies (et d’en bénéficier);
- les coûts qui empêchent les résidents recevant des soins de longue durée d’acheter des téléphones et appareils intelligents;
- l’absence d’aide et de formation sur l’utilisation de technologies.(6)
Ce ne sont là que quelques-uns des principaux défis à relever pour exploiter le potentiel de la technologie. Dans le prochain billet de blogue de notre série, nous examinerons les obstacles à la conception et à l'utilisation des technologies dans les établissements de soins de longue durée.
Le contenu de ce billet de blogue est basé sur un document produit par le McMaster Health Forum pour informer une série de panels de citoyens à travers le Canada :
Gauvin FP, DeMaio P, Alam S, Drakos A, Lavis JN, Wilson MG. Document d’information à l’intention des citoyens: identifier et exploiter le potentiel de la technologie dans les établissements de soins de longue durée au Canada. Hamilton: McMaster Health Forum, 15 janvier 2021.