Chaque nuit, plus de 35 000 personnes se retrouvent sans abri au Canada. Chaque année, ce sont plus de 235 000 personnes qui connaîtront l'itinérance.(1) Historiquement, les sans-abri au Canada étaient des hommes âgés et célibataires. Cela étant dit, la crise actuelle semble révéler une image beaucoup plus diverse de l'itinérance. En effet, il y a aujourd'hui plus de femmes, de familles et de jeunes qui sont sans abri que par le passé. Le nombre de personnes de 50 ans et plus qui sont sans abri continue toutefois d'accroître. Ces personnes représentent 24,4% des usagers des refuges pour les sans-abris.(1)
Ces statistiques résonnent avec d'autres rapports indiquant que les aînés courent un risque croissant d'itinérance en raison d'un manque de soutien, de situations précaires en termes de santé, de finances et de logement, ainsi que de l'absence de programmes et de services adaptés à leur âge.(2; 3; 4) L'itinérance peut également être aggravée par de nombreux autres facteurs, notamment le décès d'un conjoint, le manque de logement social, l'isolement social, ou un passé rempli d'abus et de violence. Mais que peut-on faire pour lutter contre l'itinérance?
Ce que la recherche nous apprend
Une récente revue systématique de grande qualité a examiné 43 études, dont 37 menées aux États-Unis.(5) Ces études ont examiné l'efficacité des interventions visant à réduire l'itinérance et à accroître la stabilité résidentielle des personnes sans-abri (ou celles qui risquent d'être sans-abri).
Dans l'ensemble, plusieurs programmes de logement associés à des interventions de gestion de cas semblent prometteurs par rapport aux services habituels (par exemple, les centres de jour, les urgences hospitalières, les cliniques externes). Les auteurs de la revue systématique ont indiqué qu'il subsistait certaines incertitudes quant à ces résultats puisque la plupart des études avaient peut-être surestimé ou sous-estimé les effets réels des interventions en raison de certaines limites dans la façon dont les études ont été menées. Et compte tenu de la très grande diversité de la population itinérante, il subsiste des lacunes dans les recherches concernant certains groupes d'âge, notamment les jeunes défavorisés et les aînés. Cela dit, voici quelques observations spécifiques concernant les interventions examinées dans la revue systématique:
La gestion de cas
Les gestionnaires de cas sont des personnes guidant les sans-abris (ou ceux à risque de le devenir) au sein du système de santé et du système social, tout en facilitant leur accès aux ressources et aux services. Le soutien fourni par les gestionnaires de cas réduit de près du tiers le nombre de personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie qui se disent sans-abri. Les personnes bénéficiant d'une gestion de cas plus intensive étaient moins susceptibles d'être sans-abri et plus susceptibles de bénéficier d'un logement stable, par rapport aux personnes ayant obtenu les services habituels.
L’approche «Logement d’abord»
Ce programme considère le logement comme un droit fondamental. Le programme comprend deux éléments principaux: la réadaptation psychiatrique et les choix des usagers. Les usagers sont donc encouragés à définir leurs propres besoins et objectifs. Un logement leur est fourni et il n'y a aucune restriction liée à la sobriété. Cependant, un traitement est proposé, ainsi que l'accès à une infirmière praticienne. Ce programme améliore la stabilité résidentielle des personnes atteintes de problèmes de santé mentale ou de maladies chroniques, et réduit l'itinérance par rapport aux services habituels.
L'approche "traitement d'abord": un programme de logement conditionnel à l'abstinence
D'autres programmes insistent sur la nécessité d'une période transitoire de sobriété et d'adhérence au traitement avant de permettre aux personnes sans-abri de vivre de manière autonome dans leur propre logement. Le logement est disponible pour ces personnes, mais elles doivent cesser de consommer de l'alcool ou des drogues. Ce programme réduit le nombre de jours passés sans abri par rapport aux services habituels. Cependant, ses effets sont incertains en raison de la demande envers les usagers qui doivent s'abstenir de consommer de l'alcool et des drogues.
Une combinaison de programmes de logement et de gestion de cas
Pour les adultes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie, une combinaison de programmes de logement et de gestion de cas semble plus efficace pour réduire le nombre de jours passés sans abri. Il semble également plus efficace pour promouvoir la stabilité résidentielle à court et moyen terme.
Les programmes d’allocation-logement ou de supplément d’aide au loyer
Certains gouvernements accordent un soutien financier aux individus pour les aider à trouver un logement. Ces allocations peuvent aider les familles sans abri à sortir plus rapidement des refuges temporaires et à rester en dehors des refuges pendant de longues périodes. Combiné à la gestion de cas, ce soutien financier est probablement plus efficace que les services habituels ou la gestion de cas seule pour les adultes ayant des problèmes de santé mentale et des maladies chroniques.
L'itinérance est un phénomène tragique et complexe, qui peut toucher les jeunes, les familles, les aînés et bien d'autres. Les données probantes issues de recherches scientifiques offrent une lueur d’espoir. Il en ressort que nous pouvons agir collectivement et utiliser les atouts de nos systèmes de santé et sociaux comme leviers pour lutter contre l'itinérance.