Une stratégie de revitalisation des quartiers ou une menace pour les groupes vulnérables? Les opinions divergent concernant les changements majeurs que vivent bien des quartiers.
Certains utilise le terme « gentrification » pour illustrer ce phénomène urbain. Ce terme réfère à un phénomène par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil social et économique du quartier au profit d’une couche sociale plus aisée.(1; 2) De vieux quartiers plus abordables voient alors un afflux de personnes de classes moyennes et supérieures, mais aussi de nouveaux commerces pour les desservir. Cela a souvent pour effet d'augmenter les loyers, les hypothèques et les impôts fonciers, obligeant certains résidents de longue date, y compris des personnes âgées, à déménager.
Selon les Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis, la gentrification est un problème complexe qui peut changer l’histoire, la culture et le tissu social d’une communauté. Certains groupes risquent davantage de subir les conséquences négatives de la gentrification, notamment les pauvres, les femmes, les minorités ethnoculturelles et les personnes âgées. La gentrification peut exacerber les problèmes de santé chez ces groupes vulnérables en limitant leur accès aux services dont ils ont besoins (par exemple, l'accès aux services de santé et aux services sociaux, l'accès au transport, et l'offre alimentaire), en affectant leurs réseaux sociaux, et en augmentant leur niveau de stress.(3)
Mais est-il possible de contrôler les impacts négatifs de la gentrification et la rendre socialement acceptable?
Ce que la recherche nous apprend
Une récente revue systématique a examiné les stratégies pour contrôler ou atténuer les déplacements des populations vulnérables pendant un processus de gentrification de quartiers.(4) Cette revue systématique s’est appuyée sur des études publiées entre 1980 et 2016. Elle a ainsi permis d’identifier de 64 études traitant de la gentrification et du déplacement des populations à faible revenu dans de nombreux pays à travers le monde.
Bien que la qualité méthodologique de cette revue systématique soit limitée, elle permet toutefois de décrire trois types de stratégies qui ont été utilisées afin de contrôler ou atténuer les impacts négatifs de la gentrification : les mesures de protection des locataires, de contrôle de la propriété et de projets de développement, et le renforcement du pouvoir d’agir des communautés.
La protection des locataires
Diverses stratégies ont été mises en place ici et à l’étranger pour atténuer les effets de la gentrification sur les locataires. Cela comprend les subventions au loyer pour les locataires à faible revenu, le contrôle des loyers, les loyers qui varient selon le revenu et les exonérations fiscales pour les propriétaires afin de combler l'écart entre les augmentations de loyer et ce que les locataires peuvent payer. Dans certains pays, les propriétaires sont tenus d'offrir leur propriété aux locataires avant de la mettre en vente (également appelée premier droit d'achat ou droit de premier refus). De plus, une aide gouvernementale pour l'achat ou la rénovation peut être offerte. En outre, certaines personnes à faible revenu peuvent obtenir un prêt à l'achat, ce qui leur permet d'avoir un prêt hypothécaire plus élevé tout en maintenant leur niveau de vie. Certaines juridictions ont également adopté des lois contre le harcèlement pour protéger les locataires menacés d'expulsion.
Lorsque déménager est devenu inévitable, certaines juridictions offrent une aide pour relocaliser les locataires. Fait intéressant, de 1970 à 1995, la ville de Washington, DC, a utilisé un système de loterie pour vendre des propriétés abandonnées à un prix très modeste aux résidents à faible revenu et les a soutenus par des prêts hypothécaires spéciaux qu'ils pouvaient commencer à payer 10 ans plus tard.
Le contrôle de la propriété du territoire et des projets de développement
Les stratégies liées au zonage (par exemple, obliger le développement de coopératives de logement et de logements abordables, interdire la conversion de certains bâtiments, interdire les logements non occupés par le propriétaire) et les stratégies fiscales (par exemple, les taxes sur les logements de luxe, les taxes foncières progressives, et les taxes pour décourager les investisseurs spéculatifs d'acheter et de revendre rapidement des propriétés) sont couramment utilisées pour contrôler la propriété du territoire et les projets de développement. L'expropriation peut également être utilisée comme outil pour assurer l'accès à des logements abordables en mettant les terres privées entre les mains du gouvernement.
Le renforcement du pouvoir d’agir des communautés
Enfin, la troisième série de stratégies identifiées vise à renforcer le pouvoir d'agir des communautés. Mobiliser les membres de la communauté pour exprimer leurs besoins et idées sur les nouveaux projets de développement, éduquer les populations locales concernant leurs droits, leur fournir une assistance juridique et les impliquer dans les processus décisionnels concernant le territoire et la planification urbaines semblent être des facteurs de succès pour contrôler les effets négatifs de la gentrification.
Bien que nous ne soyons pas en mesure de tirer des conclusions définitives sur les stratégies les plus efficaces, nous savons que les gouvernements et les communautés disposent de nombreux outils pour contrôler les impacts négatifs de la gentrification. Et en impliquant de manière authentique les résidents de longue date au début du processus de planification, en particulier ceux qui pourraient en souffrir le plus, il sera peut-être possible de rendre les nouveaux projets de développement plus acceptables sur le plan social.