Cinq générations. On estime qu’il faudrait cinq générations en moyenne dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) pour qu'un descendant de famille pauvre atteigne le revenu moyen de son pays.(1) Un tel constat illustre que la pauvreté se transmet d’une génération à l’autre et que cela peut prendre bien du temps pour la surmonter.
La pauvreté a des conséquences énormes sur les individus, les familles et les communautés. Si la pauvreté affecte les personnes de tout âge, elle représente des défis particuliers pour les aînés. En effet, la pauvreté s’ajoute aux défis liés au vieillissement, comme les besoins croissants en termes de services de santé et sociaux, une perte d’autonomie, une mobilité réduite, ainsi qu’une réduction du soutien social et communautaire. Selon Statistiques Canada, le Canada se classe au 12e rang des pays de l’OCDE avec un taux de pauvreté chez les aînés de 14,3 % en moyenne (variant de 4,1 % en Alberta jusqu’à 26,7 % à Terre-Neuve).(2; 3; 4) La pauvreté semble toucher davantage certains groupes d’aînés, dont les aînés qui vivent seuls et les femmes.
Cela dit, il n’est pas simple de brosser un portrait précis de la pauvreté au Canada. Étonnamment, le gouvernement fédéral n’a pas un seuil de pauvreté officiel, c’est-à-dire un montant en dollars en dessous duquel une personne ou une famille serait considérée comme « pauvre ».(5) De plus, une variété d’indicateurs sont utilisés à travers le pays, mais ceux-ci sont imparfaits. Le revenu semble être l’indicateur le plus couramment utilisé. Bien qu’il s’agisse d’un point de départ, utiliser seulement le revenu comme indicateur ne permet pas de tenir compte de toutes les facettes de la pauvreté.(5)
Depuis des années, les gouvernements municipaux, provinciaux, territoriaux et fédéral se sont engagés à élaborer des stratégies afin de lutter contre la pauvreté.(6; 7; 8; 9; 10; 11) Différents groupes et chercheurs s’activent afin de proposer de nouveaux seuils et indicateurs de la pauvreté.(12; 13) Il apparaît donc opportun de faire le point sur les indicateurs pouvant être utilisés pour mesurer la pauvreté chez les aînés.
Ce que nous apprend la recherche
Une récente revue systématique a révélé que la majorité des études ont mesuré la pauvreté chez les aînés en fonction d’indicateurs de revenu et du panier de consommation.(14) Ces indicateurs traditionnels semblent toutefois sous-estimer les taux de pauvreté chez les aînés. Dans une moindre mesure, des études ont eu recours à des indicateurs de pauvreté fondés sur les actifs ou la richesse des individus, ainsi que des indicateurs illustrant la pauvreté telle que perçue par les aînés (par exemple, le montant perçu comme nécessaire pour vivre dans une communauté donnée).
La revue systématique a également mis en lumière certaines tendances dans le domaine de la recherche. En effet, des études visent dorénavant à mesurer la pauvreté chez les aînés en ayant recours à une combinaison d’indicateurs. On souhaite ainsi tenir compte des différentes dimensions de la pauvreté chez les aînés et d’établir un portait plus réaliste. Parmi les autres indicateurs proposés dans les études afin de mesurer la pauvreté chez les aînés, nous comptons :
- l’état de santé des aînés (et leurs besoins en matière de services de santé et sociaux);
- le niveau d’éducation des aînés, l’acquisition de compétences et de connaissances utiles à la vie en société;
- la capacité des aînés d’acheter des vêtements ou des souliers adéquats;
- le niveau de sécurité alimentaire des aînés et leur capacité à se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive, et de manger au minimum un repas par jour contenant une viande, poisson ou un équivalent végétarien;
- les frais en lien avec l’hébergement et l’accès à un logement convenable et salubre, incluant la capacité à se connecter à Internet ou se chauffer;
- le niveau d’inclusion sociale et la possibilité de se déplacer en voiture ou transport en commun pour participer à des activités et à la vie collective; et
- les caractéristiques des communauté où vivent les aînés (par exemple, l’accès à des infrastructures ou services publics).(4; 14)
Avoir un seuil de pauvreté officiel et des indicateurs robustes sont essentiels afin de lutter contre la pauvreté. Sans cela, il n’est pas possible pour un gouvernement de fixer des objectifs à atteindre, d’évaluer l’efficacité des interventions de lutte contre la pauvreté, et de rendre compte au public concernant l’atteinte de ces objectifs.(5) Les aînés et leurs aidants doivent faire entendre leurs voix aux différents paliers de gouvernements et dans les études sur la pauvreté afin d’élaborer des indicateurs de pauvreté plus pertinents, valides et fiables. Après tout, ils savent mieux que quiconque les défis auxquels font face les aînés qui cherchent à joindre les deux bouts.