L’Organisation mondiale de la Santé prédit que d’ici 2050, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus devrait atteindre deux milliards.(1) Parmi elles, plusieurs subiront des changements physiques et cognitifs liés au vieillissement : perte de vision, d’audition, de mémoire, de force et de mobilité.
Pour réduire les limitations ou améliorer les fonctions physiques et cognitives, il est possible d’utiliser ce qu’on appelle des « technologies d’assistance ». Par exemple, les déambulateurs, les cannes, les scooters motorisés, les prothèses auditives et les fauteuils roulants permettent aux personnes souffrant de handicaps physiques de rester actives et mobiles au sein de la communauté. De même, les téléphones intelligents et les tablettes peuvent être utilisés à des fins d’assistance par les personnes atteintes de démence, en leur fournissant des rappels, en stockant des informations et en gardant une trace des événements.
À mesure que la population âgée continue de croître, les technologies d'assistance peuvent jouer un rôle important dans la promotion d'un vieillissement en santé et d'une vie autonome. Parmi les personnes vivant avec un handicap au Canada, 81% déclarent utiliser une sorte de technologie d'assistance (par exemple, des prothèses auditives, des loupes, des fauteuils roulants et des appuis pour les mains et les bras), et 30% des personnes âgées de 45 à 74 ans déclarent avoir des besoins non satisfaits qui pourraient être comblés par des technologies d'assistance, un pourcentage qui passe à 44% parmi les personnes déclarant un handicap grave.(2; 3)
Toutefois, malgré les nombreux avantages possibles offerts par ces technologies, certaines personnes âgées demeurent toutefois réticentes à les utiliser. Certaines disent même que « ce n’est pas pour moi, je ne suis pas encore rendu là »... Qu’est-ce qui peut expliquer cette réticence?
Ce que la recherche nous apprend
Une revue systématique de 49 articles a examiné comment le désir de préserver une identité compatible avec la compétence, l’indépendance et l’autonomie influence les processus décisionnels des personnes âgées en matière d’adoption des technologies d’assistance.(4) Malgré une grande diversité des populations et des technologies étudiées, l’importance de l’image de soi dans les décisions était évidente.
Cette revue a permis de révéler cinq thèmes :
1. Résistance aux stéréotypes liés à l’âge ou au handicap
La stigmatisation ou la discrimination est une crainte qui influence fortement les personnes âgées à ne pas adopter certaines technologies d’assistance. Les robots, les alarmes et les dispositifs de mobilité sont considérés comme un signe visible du vieillissement dans une société qui assimile trop souvent le vieillissement et le handicap à l’invalidité et à la dépendance.
De plus, certaines personnes âgées craignent d’être la seule personne à utiliser une technologie d’assistance dans les espaces publics. Cependant, si d’autres personnes dans leur entourage utilisent des technologies similaires, l’image de soi semble être améliorée.
À l’inverse, certaines personnes âgées se sentent obligées d’adopter des technologies modernes pour éviter d’être étiquetés comme étant vieux ou dépassés.
2. Indépendance et sentiment de contrôle
Le maintien de l’indépendance et de l’autonomie est essentiel à un vieillissement en santé et les personnes âgées ne veulent pas être perçues comme un fardeau. C’est pourquoi les technologies qui prolongent l’autonomie dans des activités quotidiennes peuvent être accueillies avec beaucoup d’enthousiasme. Les aînés veulent rester maîtres de leur vie et préfèrent utiliser des technologies qu’elles peuvent contrôler.
Pour d’autres, au contraire, l’utilisation des technologies d’assistance confirme leur perte d’indépendance et ils rejettent cette image de soi négative et les technologies qui y sont associées. Certains craignent aussi de devenir dépendants aux technologies d’assistance.
3. Esthétisme
Jusqu’à récemment, la conception de nombreuses technologies destinées aux personnes âgées était largement dictée par la fonction, sans égard à l’aspect esthétique (qui fait référence à l’apparence, au toucher et à la taille). Toutefois, les personnes âgées préfèrent les technologies discrètes pour éviter la gêne et les stigmates qui peuvent y être associés.
4. Technologies de dernier recours
Plusieurs personnes âgées n’envisagent d'utiliser les technologies d’assistance qu’en dernier recours, si elles deviennent handicapées, malades, incapables, seules ou démentes, ou si leur médecin le leur conseille. Et encore, elles peuvent tout de même remettre en question cette recommandation si elle est perçue comme incompatible avec leur perception de leurs propres capacités.
Souvent, les personnes âgées préfèrent rester chez elles et renoncer à participer aux activités communautaires qui leur sont chères plutôt que d’utiliser une technologie qui met leur handicap au premier plan.
5. Vie privée
Même si certaines personnes âgées sont prêtes à accepter une intrusion technologique dans leur vie en échange d’une plus grande sécurité, indépendance et autonomie, plusieurs craignent que quelqu’un les espionne et que leurs données soient volées ou utilisées contre elles.
Que peut-on faire pour favoriser l’adoption des technologies d’assistance ?
Les résultats de ces recherches peuvent éclairer la manière d'aborder les conversations et les décisions concernant l'utilisation des technologies d'assistance. Si vous êtes un aidant et que vous souhaitez engager une conversation avec un proche au sujet des technologies d'assistance, rappelez-vous ce qui suit:
1. Assurez-vous de discuter des besoins, des préférences et des préoccupations des personnes âgées;
2. Mettez en valeur comment ces technologies peuvent répondre à leurs besoins (accroître leur indépendance et autonomie, accroître leur mobilité et leurs interactions sociales, les aider à vieillir chez soi le plus longtemps possible ou encore améliorer leur qualité de vie);
3. Examinez si certaines technologies peuvent mieux répondre à leurs inquiétudes, que ce soit en lien avec l’esthétisme de la technologie ou encore des craintes relatives à leur vie privée; et
4. Demandez à leur professionnel de la santé si des outils d'aide à la décision sont disponibles pour aider à prendre des décisions sur les technologies d'assistance, mais aussi des ressources qui peuvent vous aider (vous et votre proche) à naviguer parmi les programmes financés par l'État et les organismes de bienfaisance pour obtenir des technologies d'assistance.