En 2015-2016, on estimait que 120 568 adultes se trouvaient en détention ou sous surveillance dans la collectivité au Canada. Même si la population carcérale a tendance à être relativement jeune, les admissions à la détention de personnes âgées de 50 ans et plus ont augmenté de 22% dans les établissements fédéraux et de 7% dans les établissements provinciaux et territoriaux.(1) On estimait ainsi qu’un détenu sur quatre a plus de 50 ans au pays.(2; 3)
Vieillir derrière des barreaux pose des défis. Une revue systématique récente des études à l’échelle internationale mettaient en lumière en quoi les conditions de détention peuvent affecter la santé des détenus âgés : l’environnement physique limité et bruyant; l’intimidation et la violence physique vécues par les détenus âgés de la part des plus jeunes; la négligence involontaire du personnel des établissements de détention en raison d’une formation limitée et de connaissances insuffisantes quant aux soins requis par des détenus âgés; l’éducation sanitaire limitée et le manque d’accès à des soins médicaux; les coûts élevés des ressources spécialisées requises; les problèmes de santé mentale souvent négligés qui sont exacerbés par la solitude et l’isolement social propres au milieu carcéral; et un faible accès à des soins de santé et services sociaux à leur sortie de prison.(4)
Il est généralement admis que l’on peut ajouter 10 ans à l’âge chronologique d’un détenu selon l’Enquêteur correctionnel du Canada, M. Ivan Zinger. Ceci reflète la prévalence des maladies chroniques et infectieuses chez les détenus,(5) mais aussi l’impact de vivre et vieillir derrière des barreaux. En effet, les détenus âgés sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé précoces liés au vieillissement comparativement à la population générale. Cela pose des défis pour le système carcéral. Non seulement les détenus âgés sont les détenus les plus coûteux à incarcérer, mais le système est souvent mal équipé pour faire face au vieillissement de la population carcérale. Un rapport accablant de l'Enquêteur correctionnel du Canada sonnait d’ailleurs l’alarme en 2011 : déplacements physiques et accessibilité difficile pour les détenus âgés, problèmes d’accès à des soins visant à maximiser l’indépendance et aux soins palliatifs, programmes limités d’aide à l’emploi et de formation professionnelle, vulnérabilité et victimisation des détenus âgés.(6) Le Service correctionnel du Canada élabore d’ailleurs depuis quelques années une stratégie visant à adapter le système carcéral aux besoins des détenus âgés.
Il n’est toutefois pas simple de trouver des solutions efficaces, acceptables et sécuritaires pour faire face aux enjeux liés au vieillissement dans les établissements de détention. Certains proposent des établissements de détention spécifiques pour les personnes âgées qui doivent purger leurs peines, des programmes de libération conditionnelle pour les détenus âgés, et des libérations par compassion pour ceux atteints de maladies graves et avancées.(7; 8) D’autres encore proposent la mise en œuvre de programmes de soutien en milieu carcéral dédiés aux détenus âgés. Une récente revue systématique s’est d’ailleurs penchée sur la mise en œuvre de tels programmes de soutien.(4) Les données probantes sur l’efficacité des programmes d’activités physiques, psychosociales et spirituelles sont plutôt limitées, mais elles semblent révéler qu’ils ne sont pas nécessairement efficaces pour réduire la détresse, la dépression et l’anxiété des détenus âgés, ou encore pour améliorer l’ajustement en prison et d’autres résultats en matière de santé. Les études identifient toutefois certaines pratiques prometteuses, dont celles qui ciblent les besoins spécifiques des détenus âgés (notamment les problèmes de santé liés au vieillissement, la solitude et l’isolement, l’anxiété et les comportements d’évitement chez les détenus âgés), celles qui encouragent la participation des détenus âgés, celles qui soutiennent les liens avec le personne carcéral, mais aussi celles qui favorisent un sentiment de contrôle et d’indépendance chez les détenus âgés, leur créativité et le soutien par les pairs.
Évidemment, les problèmes vécus par les détenus âgés sont peu susceptibles de soulever l’intérêt public : « Pourquoi devrait-on s’en soucier? » diront certains. Au-delà des arguments juridiques et moraux plaidant en faveur d’un meilleur soutien des détenus âgés, nous devrions envisager en quoi cela peut aider l’ensemble de la société.(9) Puisque la vaste majorité des détenus finissent par être libérés dans la collectivité, il apparaît important de se pencher sur les conditions de vie carcérale et leur impact sur les détenus âgés, ainsi que le soutien apporté aux détenus âgés afin de s’assurer du succès de leur réhabilitation et de leur réinsertion sociale.